mercoledì 11 giugno 2008

Jörn Gruber : L’Affaire Cornilh (1169) – jugée par un expert plurilingue



















Rectŏr Magnĭfĭcus
Lībĕrālĭum Martĭālĭumque Artĭum Ăcădēmīae Augustae Trēvĕrōrum


Per midons Sonha Heifez योगिनी yoginī


préface

s'opposer [/provoquer] pour se poser (Jean-Paul Sartre)


À la différence des amis et/ou collègues italiens qui se sont penchés sur l’Affaire Cornilh (cf. Canello 1883, Toja 1961, Perugi 1974/2005 (COM), Lazzerini 1983/89, Eusebi 1984, D’Agostino 1990, Canettieri 2007)

(a) je suis occitanophone et latinisant (je pense et comprends les textes des troubadours d’abord en occitan et en latin tardif (n'oublions pas que Marcabru et Arnaut Daniel et d'autres antics trobadors faisaient de même) - les spécialistes italiens donnent souvent l'impression de penser les textes comme ils les prononcent: à l'italienne.

(b) je connais la musique (au double sens du terme) - les érudits italiens n'ont - à de rarissimes exceptions près - aucune notion de la musique des troubadours et l’avouent sans complexe, c’est-à-dire ils ne se rendent même pas compte de cette lacune immense.

(c) je chante et récite los vers e cansos dels trobadors au choix : (1) avec une parfaite prononciation restituée (2) avec une prononciation moderne (occitan languedocien) - les spécialistes italiens prononcent (presque tous) l’occitan ancien à l’italienne (ils parlent par ex. – horresco rĕfĕrens - de la fin’ amòr au lieu de la fina amor = amor purus [amor, ōris]) et rares sont ceux qui parlent l'occitan moderne !

L’unique avantage (mais il est de poids) des philologues italiens : ceux de ma génération (entre 55 et 70 ans) ont eu – pour la plupart d’entre eux - des grand-maîtres ès philologie romane prestigieux (Gianfranco Contini, D’Arco Silvio Avalle, Aurelio Roncaglia, Cesare Segre e compagnia bella), et ceux de la génération suivante (entre 35 et 55 ans) ont eu presque tous des maîtres issus des écoles de ces grand-maîtres.

Moi, par contre, je n'ai jamais eu un véritable maître (vivant) ès philologie et je suis, en Allemagne pratiquement sans interlocuteurs en ce qui concerne le trobar !
J'ai en revanche l’immense avantage d’être bilingue de naissance, polyglotte de culture, musicien de formation e mai que mai d'èstre dempuèi un brave brieu un jove cercaire-trobaire.

nota bene:
[Lazzerini 1983/89, Canettieri 2007] Je tiens à remercier Lucia Lazzerini et Paolo Canettieri, jusqu'a maintenant les seuls philologues italiens qui aient participé [par correspondance électronique]) au nouveau débat sur L'Affaire Cornilh, et je m'incline courtoisement devant leur gaia scienza sans laquelle je n'aurais pas trouvé (trobat) en quelques jours la solution d'un énigme du trobar qui a tracassé (estrilhat) plus d'un spécialiste et fait couler des fleuves d'encre italienne et philologique.


L'Affaire Cornilh (1169) en quelques mots:

Bernatz de Cornilh fait une cour assidue et énervante à Madame Ayma, qui lui promet (pour s'en débarrasser) de le prendre pour amant de coeur à condition qui'il lui corne le cor (lat. class. inflāre cornū), en d’autres termes, qu’il lui souffle / baise (/donne un baiser) dans le trou du cul , lui pratique, pour ainsi dire, un profond cūlīlīnctus (cf. lat. cūlum lingere = lécher le cul).

Horrifié par cette folle demande, Bernatz refuse tout net. Raimon de Durfort e Truc Malecx s'en scandalisent et prennent parti pour Madame Ayma (selon eux fort appétissante).

Arnaut Daniel, lui, s'oppose à eux en justifiant (vue l'infernal laideur du corn/cul) le refus de Bernatz auquel il recommande de se munir d'un gros dousil/d’une grosse cannelle / d'un gros membre viril (dozilh = métaphore obscène pour occ. vit) afin de boucher le trou de devant (occ. con = lat. cunnus) de la dame, pour éviter d'être compissé pendant le léchage du derrière (lat. cūlus, sc. pendant l'exécution du cūlīlīnctus): pueis poira cornar ses perilh (alors il pourra corner sans péril).

nota bene

lat. class. epistomion → lat. tardif duciculus (attesté depuis le sixième siècle de notre ère → occ. dozilh ( = it. cannella – fr. douzil (cf. Rabelais)/cannelle – cast. espita – ted. Zapfen,Zapfhahn, Faßhahn)

Le dozilh (en fr. moderne : cannelle, et non pas fausset !) avait au moyen-âge la forme (tube-conus en bois à la tête arrondie)et mutatis mutandis la fonction d'un pénis (pisser du vin)

Pour en savoir davantage suivez les liens


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Anthologie minimale

Voici une vida, quatre coblas et une tornada qui contiennent l'essence de la tensó tripartite:

Vida de Raimon de Durfort e Turc (/Truc) Malec

Raimons de Durfort e•N Turc Malec si foron dui cavallier de Caersi que feiren los sirventes de la domna que ac nom ma domna N'Ai[m]a, aquella que dis al cavallier de Cornil qu'ella non l'amaria si el no la cornava el cul (I 186)
Raymond de Durfort et Turc Malec furent deux chevalier de Quercy, qui firent ( = trouvèrent, composèrent) les sirventès au sujet de la dame qui s'appelait Madame Ayma, celle qui dit au chevalier de Cornil qu'elle ne l'aimerait pas, s'il ne lui cornait au cul.

Raimon de Durfort PC 397.1 Truc Malec a vos me tenh (A 212)

II Qu'ieu no•i conosc mot vilan
cui que s'o teigna en van
si en Bernatz tot en auran
venia•l ser o l'endemand
assaillir madompna N'Aiman :
ela il mostres la cuoissa ab man
dizen s'aisi•m cornatz de plan
eu vos farai mon drut certan.

Car je n’y vois aucun vilain mot / - quelque vanité qu’on y puisse trouver - / si Bernard, tout comme un fou, / venait le soir ou lendemain assaillir Dame Enan : / elle lui montra la cuisse avec la main / en disant : si vous me cornez ici en plain, / je ferai de vous mon parfait amant.


Truc Malec PC 447.1 (cobla A 212)

En Raimon be•us tenc a grat
car aiss•us vei acordat
de gent captener en Bernat
cella que non respos en fat
al malastruc Caersinat
que•l mostret son corn en privat :
sel lo soanet per foudat
et eu i volgra aver cornat
alegramen ses cor irat.

Sire Raymond, je vous sais gré / de ce que je vous vois ainsi d’accord (avec moi) / pour prendre gentiment, à l’encontre de Bernard, la défense de celle qui ne répondit pas sottement / à ce malheureux Quercinois / quand elle lui montra son cor en privé : / (mais) lui le dédaigna par folie, / (alors que) moi j’aurais bien voulu y avoir corné, / allégrement sans cœur chagrin.

Arnaut Daniel PC 29.15 Pois Raimons e.N Trucs Malecs (A 205)

V Ben es estorz de perilh
que retraich fora a son filh
e a totz aicels de Cornilh:
miells li fora fos en issilh
que•l la cornes en l'e[n]fonilh
entre l'esquina e•l penchenilh
[lai on se sangna de rovilh]
ja non saubra tant de gandilh
no•ill compisses lo groing e•l cilh.

[A de gran perilh (+ 1) ; graphie de A : perill – fill etc.; lai on se sangna de rovilh, manque A, texte de C]

Il a certes échappé à un grand péril, / qui eût été reproché à son fils / et à tous ceux de Cornilh / il lui eût mieux valu d'être en exil, / plutôt que de la corner dans l’entonnoir, / entre l’échine e le pénil, / là où elle saigne de la rouille; il ne saurait jamais tant se mettre à l'abri / qu’elle ne lui compissât le museau e le[s] sourcil[s].

VI Bernatz de Cornes no s’estrilh
al corn cornar ses gran dozilh
ab que trauc la pena e•l penilh
pueis poira cornar ses perilh.

[ms. CR vos (H vos, pentil (H penil); la tornada est transmise par CR et H]

Que Bernard de Cornilh ne se tracasse pas / à corner le cor sans une grande cannelle / avec laquelle il ferme[ra] la fourrure et le pénil, / alors il pourra corner sans péril.

PC 397.1a Ben es malastrucs e dolens (A 212)

II Non es bona dompna el mon
si•m mostrava lo corn e•l con
tot altretal cum il se son
e pois m'apellava : [En] Raimon
cornatz m'aissi sobre•l redon -
q'ieu no•i basses la cara e•l front
cum si volgues beure en fon:
drutz q'a sa domna aissi respon
ben taing que de son cor l'aon.

Il n’est pas de noble dame au monde, / si elle me montrait son cor et son con, / tout ainsi comme il sont, / et si après elle me disait : Sire Raymond, / cornez-moi ici sur/dans le derrière - / que je n'y penchasse mon visage et mon front, comme si je voulais boire à une fontaine : un amant qui répond ainsi à sa dame, il est bien juste qu’elle lui accorde les faveurs de son cœur.

(édition critique de l'intégralité des textes en préparation)


Tout semble clair e pourtant

Tout semble clair et l'on ne comprend guère que l'Aiffaire Cornilh, et plus précisément la tornada d'Arnaut Daniel, ait provoqué tant de flots d'encre italienne : les texte s'éclairant mutuellement ne semblent laisser aucun doute quant au sens précis de cornar lo corn e ab gran dozilh etc.

Il y a pourtant un grand problème : l’interpétation adéquate de la fameuse conclusion d'Arnaut Daniel. Il en existent en effet deux rédactions fort différentes (CR et H) qui ont suscité des éditions plus ou moins critiques, des traductions plus au moins correctes et des commentaires plus ou moins ingénieux.


jugement en première instance

Or, le jugement est vite rendu : les éditions dites critiques antérieures à celle de Maurizio Perugi (1978) ne résistent pas longtemps à l’examen de l’expert :

(1) la tornada telle que la présentent Canello (/ Chabaneau) 1883, Lavaud (/ Chabaneau) 1910 et Toja (1961 = Bec 1984) est le résultat d’une contamination arbitraire (et donc inadmissible de nos jours) des deux rédactions fort différentes l’une de l’autre : CR et H :

Les voici en édition diplomatique :

C 115] Bernartz de cornes uos estrilh. al corn cornar ses gran dozilh. ab que trauc la penel pentilh. pueys poira cornar ses perilh.

R 82] Bernart de cornes uos estril. del corn cornar ses gran doisilh. ab qel trauc la penel pentilh. e pueis poira cornar ses perilh.

H 41] Ddompna ges bernartz non satrail. del corn cornar degran dosil. ab qel seir traig del penil [-1]. pois porria cornar sens peril [texte ajouté par une seconde main !]

Et voici les trois éditions ‘critiques’ antérieures, j’insiste, à celle de Perugi (1978)

(a) Canello (/ Chabaneau) 1883

[…]

(b) Lavaud (/ Chabaneau) 1910

[…]


(c) Toja (1961 = Bec 1984)

[…]

nota bene

le penilh var. penchenilh (lat. tardif pectinion(em) fr. pénil = mons Veneris) se situe au dessus du pube qui, lui, se trouve au dessus de la vulve (occ. – fr. con ; fr. trou = occ. trauc). Les traductions proposées par Chabenau, Lavaud et Toja n’ont par conséquent aucun sens : lo penilh var. penchenilh a pas de trauc (le pénil n’a pas de trou) !

(2) Perugi (1978 et 2005 COM) vs. Eusebi (1984 = Riquer 1994)

(a) Maurizio Perugi (1978) s’est décidé en faveur de la rédaction de H :

H 41] Ddompna ges bernartz non satrail. del corn cornar degran dosil. ab qel seir traig del penil [-1]. pois porria cornar sens peril [texte ajouté par une seconde main !]

PC 029 015 001 Puois @Raimons e•@N @Trucs @Malecs/

PC 029 015 046 Dompna, ges @Bernart non s'atril/
PC 029 015 047 del corn cornar de gran dosil/
PC 029 015 048 ab que•l seim traig del penil/
PC 029 015 049 pois poira cornar ses peril/.

Donna, Bernart non si metta sulla via di accostarsi al corn senza un grande cannello con cui risucchiare fuori la sugna dal pube: solo allora potrà operare senza pericolo.

texte] COM 2005 [la bibliographie renvoye à l’édition de Toja (1961). Il s’agit pourtant bien de l’édition de Perugi (1978) avec deux légères modifications !)

[première édition (1978): 46 no s'estrail - 47 del cor cornar].

traduction] Maurizio Perugi, Le canzoni di Arnaut Daniel, Milano-Napoli 1978, II, p.176.

nota bene

Perugi traduit occ. cornar (= it. cornare/trombare) 47 par accostarsi e 49 par operare (de deux choses une !)

cornare il corno] cornar el corn/cul de la dompna [lat. cl. inflāre cornu/culum – it. suonare il corno = soffiare nel culo – fr. corner le cor = souffler au cul] . pratiquer le culilingus, et non pas – comme voudrait Perugi - le cunnilingus (occ. corn = [pour Perugi] it. clitoride = fr. clitoris - )


cannello] j'insiste : dozilh (lat. tard. duciculus) n’est pas une canne (it. cannello – allem. Saugrohr), mais bien une cannelle (it. cannella – allem. Zapfen, Zapfhahn)

conclusion

le texte et la traduction de Perugi (1978) n’ont pas de sens !


(b) À la différence de Perugi (1978) Eusebi a privilégié la rédaction de C :


C 115] Bernartz de cornes uos estrilh. al corn cornar ses gran dozilh. ab que trauc la penel pentilh. pueys poira cornar ses perilh.





[…]

Le vers 48 tel que le présente Eusebi (et après lui Riquer 1994) est bricolé de toute pièce et n’a guère plus de sens que les versions (contaminées) de Canello - Chabaneau - Lavaud et Toja.


(1) zaffo] dozilh (lat. tard. duciculus) n’est pas un fausset (it. zaffo), mais bien une cannelle (it. cannella – allem. Zapfen, Zapfhahn) avec – au moyen-âge - la forme et mutatis mutandis la fonction d’un pénis (pisser du vin)

(2) penchenilh var. penilh (lat. tardif pectinion(em) fr. pénil = mons Veneris) se situe au dessus du pube qui, lui, se trouve au dessus de la vulve (occ. – fr. con ; fr. trou = occ. trauc). Les traductions proposées par Chabenau, Lavaud, Toja et Eusebi n’ont par conséquent aucun sens : le pénil n’a pas de trou ! (en occitan: lo penilh var. penchenilh a pas de trauc.


Il est grand temps de proposer une véritable édition critique des deux variantes de la tornada arnaldienne (probablement des variantes d’auteur)

(à suivre)

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